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Dépôt des vagues II :
Conakry, entre deux marées


 janvier 2024

               Fine langue rocheuse la ville de Conakry avance sur l'Atlantique. On y rencontre des candidats qui rêvent de « tenter leur chance ». Poussés par un élan que rien n'empêche, ils font des plans pour s'en aller. Prennent la route. Passent le Sahara. Franchissent la Méditerranée. Ou suivant les opportunités, rejoignent des îles à l'ouest du Maghreb. Nous savons, sans connaître leur nombre ni pouvoir les nommer, qu'ils se perdent nombreux en chemin, parfois avant d'atteindre nos rivages et parfois au-delà. Comme ces deux jeunes Guinéens qui tentaient de traverser la Bidassoa (Pyrénées Atlantiques), pour échapper aux contrôles, et qui s'y sont noyés. Abdoulaye Coulibaly, 18 ans, le 8 août 2021 (1). Abderraman Bas, 25 ans, le 18 juin 2022 (2). Parfois on découvre un sac, des vêtements, avant de retrouver le corps (3).

               Au début des années 2000, l'historien américain David Eltis est parvenu à préciser que 595 500 personnes ont été déportées de Guinée vers les Amériques entre 1519 et 1867 (4).

               Ces captifs venaient d'un peu partout à l'intérieur du pays. À 150 km au nord-ouest de Conakry, dans le delta du Rio Pongo, se situe le village de Santani (Santaanè). D'après les témoignages recueillis par le Professeur Mamadou Camara Lefloche, cette abréviation de « sandji a taanè » signifie en langue soussou la trace de la plante du pied, l'empreinte du pied, allusion aux pas des esclaves jusqu'à leur embarquement (5).

                Aujourd'hui, les vagues de l'océan rapportent d'innombrables chaussures sur les plages de Conakry. L'ampleur du phénomène est troublante. Déchirées par la houle, retournées dans le ressac, devenues orphelines, elles jonchent le sable à marée basse. D'où viennent-elles ? Quels ont été les trajectoires des courants marins qui les ont transportées ? À qui appartenaient-elles ? Que sont devenus leur propriétaire ? On trouve tous les modèles et toutes les pointures, adultes et enfants. Leur présence s'impose avec d'autant plus de force qu'elle nous questionne.

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Sources :

(1) https://www.mediabask.eus « Abdoulaye, né en Guinée, mort    dans la Bidassoa à 18 ans », 11/08/2021.

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(2) https://www.infomigrants.net « À la frontière franco-espagnole, le corps d'un migrant retrouvé dans le fleuve Bidassoa », 20/06/2022.

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(3) https://www.larepubliquedespyrenees/pyrenees-atlantiques/pays-basque « Un migrant porté disparu après avoir tenté de traverser la Bidassoa à la nage », 13/03/2022.

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(4) https://fr.wikipedia.org/wiki/commerce_triangulaire

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(5) Mamadou Camara Lefloche : « Traditions orales, traitement occulte et domptage de l'esclave au Rio Pongo » publié dans «Tradition orale et archives de la traite négrière" sous la direction de Djibril Tamsir Niane, UNESCO 2021

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