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la cartographie de l'écriture, janvier 2013 :

          Chronique d'une traversée est un livre numérique multimédia interactif.

         

Il est composé de :

           -  120 fragments d'écriture

           -  590 liens pour naviguer

           -  40 dessins

           -  240 photographies

           -  8 vidéos (94 mn de vidéo au total)

           -  5 sources sonores (15 mn de sons au total)

LE POINT DE DÉPART

          Deux jours avant de quitter Bangalore pour rentrer en France, je me suis intéressée à mon billet d'avion (que j'avais acheté plusieurs mois auparavant et que je conservais dans un de mes bagages) pour savoir l'horaire de mon départ et prévoir de prendre un bus ou un taxi pour me rendre à l'aéroport... petite organisation sans importance. Mais c'est à ce moment là que j'ai brusquement compris que ma correspondance à Colombo n'était pas à 1h30 pm mais à 1h30 am dans la nuit suivante ! Après un moment d'effroi, j'ai cherché comment j'allais pouvoir occuper tout ce temps. J'ai décidé de me donner un travail : j'allais prendre, autant que possible, une photographie toutes les heures, et décrire ce qui se passerait, ce que je verrai, les personnes que je croiserai et d'autres choses que je ne pouvais pas prévoir.

          Finalement ce projet me plaisait de plus en plus. Il me tardait de commencer.

Extrait : Assise à l’arrière d’un taxi qui traverse la ville toutes fenêtres ouvertes, je suis partagée entre l’envie de me rendormir et la curiosité de voir le jour se lever. C’est la première fois que je sors de si bonne heure et suis surprise de voir déjà tant d’animation. La circulation est fluide mais j’aperçois quantité de piétons bien qu’il fasse encore nuit. Des gens marchent. Je les observe pour comprendre ce qui les pousse dehors de si bon matin. Un homme âgé, vêtu d’une chemise boutonnée sur son dhoti de coton blanc, se rend peut-être au temple. Des femmes en sari longent la route d’un pas de promenade. D’autres qui viennent probablement de se rencontrer échangent des conversations joyeuses. Je peux voir leurs visages souriants, la marque d’arichina coumcouma sur leur front, leur longue tresse brune le long du dos, mais je n’entends rien des intonations de leurs voix, seulement le vent qui s’engouffre dans la voiture.

48 HEURES DE VOYAGE

          C'était formidable en réalité d'avoir autant de temps pour écrire, regarder, écouter. Une telle situation n'arrive jamais dans la vie ordinaire, une telle disponibilité. J'étais dans un entre-deux et à peu près nulle part, en ce sens qu'un aéroport, un avion ou une gare, ne sont pas des destinations.

          Mon programme était établi par les horaires des transports. J'avais ainsi des rendez-vous qui ponctuaient ces deux journées. Mes parcours étaient fléchés, les portes numérotées, mes places réservées. Je n'avais qu'à me laisser guider. Les espaces entre ces impératifs étaient du temps gagné, une parenthèse imprévue, comme quand on arrive à l'avance dans une salle de cinéma. C'est dans cette longue attente que ce travail a pu se faire.

APRÈS MON RETOUR

          Quand j’ai commencé l'écriture de ce travail à partir de mes notes, j'ai élargi et multiplié les connexions en retrouvant des dessins, des photographies et des vidéos réalisés pendant mon séjour. Je me suis aussi souvenue avec précision des échanges que j'avais eus avec mes amis indiens, des expériences culinaires, des fêtes religieuses auxquelles j'ai pu assister, etc.

Vue de Chronique d'une traversée à 5h25 " le quartier "

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Extrait de Chronique d'une traversée à 13h06 " Ugadi "

LES CIRCULATIONS

          Chronique d'une traversée est un récit de voyage à rebours construit à partir de notes, d'images et de sons, où se mêlent le présent et le passé, et qui se déroule le long d'une ligne de temps : les 2 jours qu'il m'a fallut pour rentrer à Bordeaux.

          Dans un livre papier, j'aurais pu placer les liens sous forme de notes de bas de pages, mais j'aurais difficilement pu faire des liens entre les notes elles-mêmes. Il aurait été possible d'introduire des textes différents, des dessins et des photographies, mais pas les sons et les vidéos. La page numérique offre un espace quasiment sans limite que l’on pourrait arpenter infiniment et faire glisser dans plusieurs directions.

UN TRAVAIL EN DUO

          C'est à partir de ces matériaux que j’ai invité le plasticien Guillaume Hillairet pour m’aider à mettre en espace, avec des outils numériques, cette écriture qui avait pris la forme d’une arborescence sur le mur de mon atelier.

          Nous avons bénéficié à l'automne 2013 d'une résidence d'écriture numérique au Chalet Mauriac de Saint-Symphorien.

         

          Depuis que je travaille avec Guillaume qui manipule les codes et trouve des solutions efficaces qui répondent à mes souhaits, des possibilités de déplacements dans l'espace numérique que je ne soupçonnais pas ont nourri mon travail. Grâce au mouvement qui entre en jeu dans la lecture de ce livre, le visiteur est placé dans la même position que la danseuse que j’avais invitée dans mes sculptures en 2010 : il trouve son chemin, ouvre des fenêtres, franchit des seuils, traverse des espaces. Il peut aussi se perdre et rechercher des repères. Aucun lecteur n'emprunte le même parcours.

          Les pages ont des dimensions différentes et contiennent du hors-champ. Des textes et les images se superposent et font se croiser différentes trajectoires de lecture. Mon livre est une architecture ramifiée dans laquelle on avance.

       Je pourrais finalement comparer cette écriture avec une ligne dans un dessin ou dans une sculpture. A un moment donné, cette ligne doit rencontrer d'autres lignes pour qu'un espace se mettre à exister. Les intersections créent des liens, des passerelles entre des mondes et des temporalités différentes, qui

nous permettent de bifurquer de l'un à l'autre. C'est comme la nécessité des voyages : changer de position, découvrir d'autres points de vue.

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